Quand je suis arrivée à Los Angeles pour y vivre, je ne me suis pas questionnée sur ma capacité à me faire de nouveaux amis. Je savais que j’étais quelqu’un de très ouvert et mes nombreux voyages aux US m’avaient prouvé à quel point les Américains étaient accueillants et tournés vers autrui. Ce que je ne réalisais pas encore c’était que côtoyer superficiellement un Américain et lier une vraie amitié avec lui étaient deux choses bien distinctes.
Je m’explique. Lorsque vous prenez des vacances aux US, vous vous extasiez devant le côté hyper « friendly » des Américains, que ça soit le serveur au restaurant, le chauffeur de votre uber ou bien le caissier au supermarché, vous trouvez tout le monde excessivement gentil et rêvez à un Paris identique. J’avoue avoir ressenti la même chose chaque fois que je venais en tant que touriste. Toujours le sourire, toujours le petit mot qui fait plaisir et cette bonne humeur permanente font, aux États Unis, partie de l’éducation. Alors qu’en France on nous apprend presque dès le plus jeune âge à nous montrer blasé de tout, à garder nos sentiments (nos peines comme nos joies) tout au fond de nous, des valeurs contraires sont inculquées aux petits américain. Aux États-Unis se montrer agréable envers autrui est directement lié à la politesse, il serait inacceptable qu’il en soit autrement.
Pêches vs. Noix de coco
Je lisais dernièrement un article sur les difficultés de communication entre les différentes cultures. Selon le psychologue américain Kurt Lewin, spécialisé dans la psychologie sociale et le comportementalisme, le monde peut être divisé en 2 types de culture : les pêches et les noix de coco.
Les peuples « pêches », comme les Américains (ou les Japonais par exemple), sont chaleureux, gentils, serviables, s’ouvrent et parlent facilement, il partagent aussi rapidement leur vie. En revanche si vous essayez de creuser pour lier une véritable amitié, vous serez confronté à un noyau, dur, impénétrable, accessible seulement à leur amis d’enfance, d’université et à leur famille. Parce que oui, les américains ont quand même de bons amis, mais ils sont souvent de longue date, rencontrés au cours leur scolarité.
Les peuples « noix de coco » comme les Français (ou les Russes) peuvent sembler froids et distants au premier abord à cause de cette coque extérieure difficile à briser. Les Français à l’inverse des Américains ne sourient pas facilement et n’engagent pas facilement la conversation avec un inconnu. C’est un comportement qui ici peut être perçu comme de l’impolitesse mais qui pour nous est seulement l’expression d’une forme de respect et d’égard pour la vie privée d’autrui. C’est aussi pour cela que les Français interprètent la sympathie américaine comme de l’hypocrisie.
Cependant si vous réussissez à percer cette coquille extérieure, vous avez toutes les chances de devenir véritablement ami avec une personne de culture « noix de coco » et d’être intégré à sa vie au même titre qu’un membre de sa famille.
Pour la petite histoire, lorsque nous avons déménagé à Burbank, Madeleine a intégré une nouvelle école. Le jour de la rentrée, elle est sortie en courant, ravie de me dire qu’elle s’était faite une nouvelle amie, qu’elle voulait me la présenter, que c’était important pour elle… Mon instinct sauvage de Française m’a fait lui répondre « oh non non, on verra une autre fois » puis j’ai réalisé que dans la mesure où il n’y avait pas de francophones dans cette école, si j’avais ce genre de comportement je ne connaîtrais jamais personne. J’ai décidé de la jouer à l’Américaine et d’aller chaleureusement me présenter à cette petite fille et à son papa. Avec mon grand sourire : « Bonjour, ravie de vous rencontrer, je suis Marie, la maman de Madeleine, nous sommes nouveaux dans le quartier… ». Je me suis retrouvée face à un mur, le papa m’a lancé un regard froid, glacial même, j’ai eu l’impression que cette intrusion dans sa vie était vraiment mal venue. Ça a calmé mes ardeurs. En rentrant à la maison j’ai raconté cette histoire à mon mari : « Pas très accueillants les gens à Burbank, c’est curieux… ». J’ai appris quelques jours plus tard que ces gens n’étaient pas Américains mais Russes… #noixdecoco #fail.
Friends
Nous avons nous, en tant que Français expatriés, une autres théorie sur l’amitié aux États-Unis. Vous vous souvenez dans la Saison 10 de Friends lorsque Monica et Chandler décident de quitter leur appartement New Yorkais pour acheter une maison en banlieue. Ils cachent la situation au reste de la bande qui semble désemparé. Il leur paraît inconcevable que leurs amis quittent New York, pas parce que ça changerait leurs habitudes mais simplement parce qu’ici les amitiés sont souvent des amitiés de proximité. Dans l’épisode 14 de la Saison 10, Joey qui accepte enfin de visiter la nouvelle maison de Monica et Chandler rencontre la petite fille qui y vit actuellement et lui dit « Si Monica et Chandler démangent ici et que Phoebe est mariée à Mike, il ne me reste plus que Ross et Rachel. J’ai l’impression de perdre mes amis […] Me faire de nouveaux amis ? Facile à dire pour toi, tu es jeune ». Comment une amitié de 10 ans peut être menacée par un déménagement à quelques kilomètres ou par un mariage ??? Les américains sont amis avec leurs collègues du moments, avec leurs voisins du moments, si vous en faites partie, sachez que si vous changez de job ou déménagez et même si vous avez la sensation d’être très très amis, la relation ne durera pas. On a la sensation également que la vie avançant, il n’y a plus de place pour de nouvelles amitiés profondes, le quota est déjà plein. Bref pour construire une amitié aux US, une proximité géographique et physique est nécessaire. Si elle vient à cesser, l’amitié prendra fin par la même occasion.
Pour toutes ces raisons je n’ai pas/plus de vrais amis américains. Je ne souffre pas de solitude rassurez-vous (j’ai des amis français expat formidables !) mais j’ai fait le deuil d’un relationnel qualitatif dans la durée avec les Américains. Bien entendu, ce que je pense ici n’est pas une règle, ce n’est pas systématique et ça n’engage que moi. Si vous êtes expat, n’hésitez pas à me laisser votre ressenti à ce propos en commentaire…
Merci pour un article intéressant.
Je suis né en Ukraine et je vis aux États-Unis depuis 8 ans.
J’ai des amis américains. J’ai toujours d’autres bons amis étrangers qui vivent ici (iraniens, colombiens).
Je suppose que j’ai la chance d’avoir au moins plusieurs amis américains ! Mais j’ai aussi échoué à plusieurs reprises à garder des amitiés avec d’autres Américains, pour moi c’était plus difficile de rester amis au lieu de nouer des amitiés.
J’ai aussi toujours été plus attiré par d’autres cultures et j’évite généralement les gens d’Ukraine ou de Russie qui vivent aux États-Unis.
Bonjour 🙂
Je pense que mon experience n’est pas universelle et surtout j’ai peu l’occasion de sociabiliser (ces deux dernières années avec le covid c’est encore pire !) mais je partage cette conclusion de la difficulté de vraiment se lier aux américains avec d’autres expat français. Evidemment, je reste persuadée qu’il est possible de lier une vraie amitié et je ne désespère pas 🙂
J’ai vécu 5 mois à Chicago, sûrement pas assez pour creuser à fond des relations, mais je considère que j’ai de vraies ami.e.s américain.e.s … Peu, certes, car ce sont des pêches, je retrouve mon expérience dans l’article, je me suis dit la même chose en arrivant, que c’était fake, que dès que je partirai j’aurais plus de nouvelles (et c’est arrivé avec la majorité malheureusement). Cela fait 2 ans que je suis rentrée en France. Entre temps, deux amies sont venues me voir à Lyon, deux autres viennent cet été, et une autre m’a invité à son mariage l’année prochaine, et j’ai encore des nouvelles régulièrement.
Alors est-ce qu’après, comme tu le dis, les gens se font des ami.e.s pendant l’université et j’étais dans ce monde là. A savoir que dans les universités américaines, souvent les étudiants ne connaissent personne, c’est même pour cela même que les sororités et fraternités existent … Donc pendant cette période là, ils sont plutôt ouverts à faire des rencontres et à créer des amitiés. Alors y’aurait-il des sortes de fenêtres de la vie pour se faire de vrai.e.s ami.e.s aux Etats-Unis, et passé ces fenêtres, c’est trop tard, et ils deviennent des pêches forever …?
#TeamCoconut
C’est intéressant ! Est-ce que le fait de s’enga Dans le secteur associatif sportif ou culturel ou dans l’ecole Si cela existe peut permettre de vraiment rencontrer des gens et d’aller plus loin dans une relation ?
J’ai participé au Homework club pendant 2 ans dans l’ancienne école de ma fille et j’étais pas mal investie dans la vie de l’école en général (fêtes, sorties de classe…) et je ne me suis jamais faite une seule amie (à part des françaises). Pourtant je reconnais que ça m’a fait connaître du monde mais ça n’a jamais débouché sur une amitié ????
C’est vrai que ça me surprend encore, cette différence culturelle de l’idée de l’amitié (ça et leur concept de vivre à crédit !!). Depuis deux ans ici, on a réussi à se créer un noyau de potes, expat ou étrangers (mexicains, ukrainiens et philippins) avec qui on passe de bons moments. Seul un couple de jeunes américains se compte parmi nos amis proches, mais c’est parce que mon mari passait ses vacances chez eux quand il était plus jeune, donc est associé à la famille. Ça doit être un peu difficile pour Madeleine, a-t-elle pu se faire des amis américains ?
Ah ah la vie à credit ????????♀️ ! Pour Madeleine c’est plus simple, grâce à l’école elle a de bons amis. Être tous les jours avec les gens c’est ça qui crée des liens… C’est pour ça que je dis dans mon post que les amis sont souvent liés à l’enfance ou aux études ????
Bonjour!
Intéressant cet article. Je vis en France mais depuis presque 14 ans maintenant j’ai une amie américaine. On s’écrit régulièrement. J’ai été invité à son mariage et plusieurs fois chez elle et toujours bien reçu. Peut être est ce une amitié de vacances car on vit chacune dans nos pays respectifs et cela est différent d’une amitié au quotidien, ou alors est ce parce qu’on s’est rencontré au début du Lycée que cela a été possible ?! Je ne le saurais peut-être jamais. Mais je sais que l’on s’écrit souvent et que l’on fait tout pour se revoir d’un côté ou de l’autre de l’Atlantique.
Il y a en effet peut être un peu des 2, ceci dit je trouve ça super de ne pas avoir coupé le lien après toutes ces années ! Après oui, ce que j’appelle une vraie amitié c’est celle où on voit son ami très souvent, où on crée continuellement des souvenirs communs avec lui et surtout qui ne s’éteint pas avec le nombre de km ou ne s’en trouve pas appauvrie à cause de la distance. Une amitié à la française quoi ????
Je ne peux que valider à 100%. Je me retrouve dans ton texte, et je n’ai aucune vraie amitié avec des Américains. Moi qui au départ ne voulait pas forcément rencontrer des français afin de m’intégrer plus dans la culture américaine, j’ai complètement changé d’avis ! J’ai vu que c’était limite mission impossible, surtout ne travaillant pas et je me rends compte que finalement j’ai beaucoup plus de choses en commun, à partager avec des français. Alors je garde mes “amitiés” avec les américains comme elles le sont, c’est à dire parfaites pour une soirée ou un weekend, mais je sais que ce ne sera jamais plus fort !
Par contre c’est marrant, je rencontre souvent des russes au parc et ils viennent toujours discuter !
Ce que tu dis sur l’épisode du déménagement je me souviens qu’à l’époque ça me choquait un peu, je ne comprenais pas pourquoi ils en faisaient tout un plat, une amitié même à plusieurs km c’est pas la fin du monde. À présent je comprends et c’est vrai que pour nous français c’est assez particulier !
Il se trouve qu’après cette histoire, j’ai rencontré à l’école une maman Russe très sympa (mais tout de même un peu froide)… Comme quoi ! Je pense en effet que si on pouvait travailler ça serait différent puisque, comme je le dis dans mon post, les amitiés même si elles ne durent pas viennent pour la plupart du travail… Un jour peut être… Quand on aura trouvé notre voie professionnelle nous aurons des amis Américains … ????