Tim Burton, Le Labyrinthe – Paris, La Villette

Vous dire que j’ai aimé cette expo est un euphémisme. Hormis le monde qu’elle génère (et je m’y suis rendue en pleine semaine, hors vacances scolaires) et qui rappelle que oui, nous sommes bien à Paris et pas vraiment à Halloween Town, elle transporte le visiteur dans l’univers aussi magique que macabre de Tim Burton pour une expérience (presque !) complètement immersive. Le concept de labyrinthe est à la fois intéressant : chaque visite est unique selon les portes que vous choisissez (plus de 300 itinéraires possibles) et frustrant, puisque fatalement, vous ne verrez pas certaines pièces. Évidemment, vous ne pourrez pas rater les incontournables de la filmographie de Tim Burton, tels que l’Étrange Noël de Monsieur Jack, Edward aux Mains d’Argent ou encore Charlie et la Chocolaterie qui se trouvent dans des pièces communes à tous les visiteurs. Concernant ses œuvres moins connue, comme La Triste Fin du Petit Enfant Huître, elles seront soumises à vos choix de parcours. N’hésitez à vous adresser à la personne qui vous accueille au début de l’exposition si l’un des films du réalisateur vous tient à cœur et que vous ne voulez pas passer à côté, elle vous indiquera quelle porte choisir et à quel moment. Au début de la visite, j’avoue ne pas toujours avoir joué le jeu et m’être faufilée derrière des visiteurs afin de découvrir ce qu’il se cachait derrière certaines portes puis avoir fait demi-tour pour en choisir une autre (attention, il est interdit de revenir en arrière lorsque vous avez franchi une porte). Madeleine m’a vite remise en place parce qu’elle considérait ça comme de la triche, j’ai finalement pris goût à ce parcours labyrinthique, surprise, même si j’aurais peut-être aimé aussi tout découvrir de façon plus linéaire. À noter que pour 12€ supplémentaires par rapport au billet classique, vous pouvez acheter un billet « Premium » qui vous permet de faire le labyrinthe deux fois de suite sans refaire la queue, intéressant pour découvrir certaines salles manquées lors de la première visite (l’option n’était pas disponible le jour où j’y suis allée). Comptez une toute petite heure pour la visite complète, ce qui m’a paru un peu court…

Voici l’expérience en images… étaient exposés une multitude de peintures, dessins et croquis originaux issus de la propre collection de Tim Burton que vous ne verrez pas dans ce post puisqu’il était interdit de les photographier, mais qui étaient assez incroyables à voir…

Tickets disponibles ici.

Clowns, marionnettes, mannequins ventriloques

Entre fantaisie et mélancolie, bêtise et méchanceté, les clowns sont présents dans l’art depuis des siècles. Is évoquent, au même titre que les marionnettes et les ventriloques, l’étrangeté. Ils représentent tous les trois des personnages pas tout à fait humains, qui souvent se cachent derrière un masque ou derrière une apparence de poupée. Les clowns ne sont pas tenus aux normes sociales qui régissent nos comportements. Grâce à leur masque, ils sont libres et cette liberté les rend dangereux. L’art de Tim Burton joue avec ces parts d’ombre et de lumière, sans jamais les dissocier.

Méchant et sauvage

Dans Batman (1989), comme dans Batman Returns (1992), Tim Burton transforme des héros de bandes dessinées en personnages aux personnalités riches et menaçantes. Rejetés ou torturés, ces personnages se font une place en marge de la société pour le meilleur ou pour le pire…

« Que ce soit dans les dessins, la peinture, la photographie ou ses films, le style singulier et le regard atypique de Tim nous transportent hors des contes de fées traditionnels, évoquant à la fois la fantaisie magique de l’enfance et le cauchemar. »

Ian Mackinnon

Amis et ennemis

À travers un pays des merveilles fait d’illusions en miroirs, les fidèles fantassins de la Reine Rouge sont à ses ordres et prêts à encercler quiconque se trouvera sur son chemin. Tim Burton aime user de l’infini et du foisonnement pour proposer une expérience déroutante : réalité ou fiction ? Amis ou ennemis ?

Amour, fantômes et cimetières

Tim Burton explore régulièrement les sentiments imprévisibles, comme l’amour. Ce dernier prend plusieurs formes : un triangle amoureux entre Victor, Emily et Victoria dans Les noces funèbres (2005), une relation père fils tendue dans Big Fish (2003) ou encore un amour d’un garçon pour son chien qui transcende la mort dans Frankenweenie (1985, 2012). Dans l’amour, Tim Burton trouve tout ce qui fait nos vies d’êtres-humain : le danger, l’obsession, la maladresse et la douceur. Dans son univers, l’amour n’est pas réservé aux humains et les monstres peuvent, eux aussi, trouver de la tendresse et de la compagnie.

« Tim est capable de peindre des images sanglantes de chiens morts, de bâtiments en feu et de corps démembrés avec un humour macabre et un détournement visuel, propre au réalisateur, qui les rend non seulement acceptables, mais surtout étrangement beaux. »

lan Mackinnon

Le Petit Enfant Huître

La Triste fin du Petit Enfant Huître et autres histoires (The Melancholy Death of Oster Boy & Other Stories, 1997) est le premier livre dans lequel Tim Burton a regroupé ses étranges personnages, dessinés années après années dans ses carnets de croquis. Nous pouvons également les retrouver dans Stainboy (The World of Stainboy, 2000), une série de six courts métrages d’animation produits pour Internet. Ces personnages et leurs histoires, mélangeant amusement, tragédie et réconfort, reflètent un principe de son enfance : ne pas juger les autres sur leur seule apparence.

Montres imcompris

Les monstres occupent une très grande place dans l’univers de Tim Burton. Dans son enfance, il s’identifiait aux bêtes défigurées que l’on retrouvait au cinéma ou aux humains ternes et en marge, souvent confondus avec des malfaiteurs en raison de leur apparence étrange. Au lycée, Tim Burton a commencé à créer son propre cercle de monstres incompris, esquissant à plusieurs reprises un garçon avec des ciseaux à la place des mains. Des années plus tard, ce garçon est devenu la base d’Edward aux mains d’argent (1990). L’histoire raconte un garçon peu confiant et anxieux, incapable de montrer son affection, de peur de couper ceux qu’il aime le plus.

« Tout ce que j’ai vu la première fois que je suis allé travailler avec Tim sur Edward aux mains d’argent, mis à part les images qui me venaient à l’esprit, c’était un petit dessin que Tim avait fait. Un coup d’œil à ce dessin était tout ce dont j’avais besoin pour comprendre ce qu’était Edward. »

Johnny Depp

La vie et la mort

Fortement influencé par la fête mexicaine, Dia de los Muertos, les croquis de Tim Burton autour de la mort sont souvent festifs. Tim Burton préfère explorer ce qui se passerait après la mort plutôt que d’en faire un sujet tabou et angoissant. Selon lui, les possibilités offertes par l’au-delà sont infinies, mais n’empêchent pas les gens de tenir leurs responsabilités. En effet, personne ne sait vraiment ce qui se passera ensuite : est-ce un voyage perpétuel fait de longues attentes comme dans Beetlejuice (1988) ? Il n’y a pas de meilleur moyen d’apaiser nos peurs que d’accepter leurs existences avec humour. Réconfortons-nous en pensant à l’existence d’une autre vie après la mort, alors, vous avez tout pour devenir « bio-exorciste » !

Alien-nation

L’obsession de Tim Burton pour les extraterrestres lui vient de la science-fiction des années 1950 et 1960, à la télévision et au cinéma, empreinte de chaos, de destructions et de probabilités. Tim Burton aime explorer de manière ludique les possibilités de vie sur d’autres planètes. De son point de vue, la Terre est loin d’être un lieu sur : les ennemis surgissent de partout, des extraterrestres géants saccagent les villes et combattent des avions, et des hydres à trois têtes grimacent et détruisent des immeubles. Pour ces images, Tim Burton utilise une grande variété d’outils, des crayons aux pastels, en passant par les paillettes.

« La véritable force de son travail réside dans son appréciation des formes, avec des figures fortes et des proportions exagérées. On aurait tort de penser que certains de ses croquis sont rudimentaires, peu détaillés ou naïfs, car ils contiennent des informations essentielles, font preuve d’une grande délicatesse, d’une grande sensibilité, d’un œil vif et cohérent et d’une vision éblouissante. »

lan Mackinnon

Animaux de compagnie

Tim Burton explore les nombreuses places qu’occupent les animaux dans notre société, de l’ami à quatre pattes aux créatures moins fortunées jusqu’à celles utilisées comme manteaux de fourrure. Ses films incluent généralement des animaux comme acolytes, tels que les pingouins dans Batman, Le défi (1992), Zero dans L’Étrange Noël de Monsieur Jack (1993), et Sparky dans Frankenweenie (2012). Ces animaux, en particulier les chiens, ont un rôle central dans les œuvres de Burton, et beaucoup de ses propres animaux de compagnies y font des apparitions au fil des années.

« Lorsque J’ai vu le court métrage de Frankenweenie en 1985, j’ai su dès les 30 premières secondes que c’était lui. Il est allé bien au-delà de ce que n’importe qui aurait pu faire, et c’était parfait. Cette vision singulière, c’est vraiment ce pour quoi Tim Burton est aimé. Il fait partie des gens qui comprennent la beauté et l’art, et la manière dont ces deux notions se recoupent pour se traduire en quelque chose qui parle aux gens »

Paul Reubens

Passionné et trompé

Tourmentés et fous, passionnés et trompés, pleins d’espoir et de désespoir, les personnages créés par Tim Burton touchent une corde sensible. De sorte que, malgré (ou même à cause de) leurs apparences bizarres ou leurs comportements dérangeants, nous pouvons nous identifier à eux et y retrouver une partie de nous-même.

« Curieusement, je ne pense pas à Tim avec humour. Je pense à lui avec une émotion et une sensibilité profonde. Pourtant, il a tellement d’humour dans ses œuvres, que quand vous voyez ses images, elles vous font rire, alors qu’avec Roald, quand vous lisez ses mots, ça vous fait rire. La combinaison de l’image et de l’écrit ne pourrait donc pas être plus parfaite »

Licey Dahl

La fin

La monotonie de la jeunesse, en banlieue, de Tim Burton était rompue par les fêtes, en particulier sa préférée : Halloween. Pendant une journée, les gens se libèrent totalement des normes sociales, les goules, les squelettes et les monstres règnent dans les rues. Lors de cette fête, masqué, il pouvait être les créatures qu’il admirait.

L’autre fête préférée de Burton est Noël, où, dans les films et les illustrations, il neige toujours. La combinaison des deux fêtes est devenue le célèbre film : L’Étrange Noël de monsieur Jack (1993). Il a commencé à dessiner cette idée au début des années 80, puis a écrit un poème dans son premier livre, avant de réaliser le film dix ans plus tard. Inspiré par Dr Seuss et les émissions spéciales de Noël de Rankin/Bass, Tim Burton a créé l’univers de Jack Skellington, qui est devenu l’un des films les plus iconiques et burtonesques de sa carrière.

« Depuis que je suis enfant, j’aime les esprits tordus, les mondes sombres et fantastiques mais aussi drôles et innocents… et Tim est tout cela à la fois. Lorsque nous avons réalisé L’Étrange Noël de monsieur Jack, je connaissais bien son œuvre et j’attendais toujours avec impatience de voir des bribes de son travail. Cette fois-ci, tout notre travail était basé uniquement sur ses dessins. Nous n’avions pas de scénario à ce moment-la et nous manquions de temps. Nous avons malgré tout avancé avec Tim qui me racontait l’histoire et moi qui regardais les nombreux dessins des personnages. C’était plus que suffisant. J’ai compris très clairement qui était qui et ce qui était quoi. Imaginer Jack et les autres comme de vrais personnages était simple et très amusant. Leur trouver des chansons a été étonnamment facile ».

Danny Elfman

« J’ai eu la chance de voir les images que Tim montre pour partager, avec ses équipes, une idée importante. Ces images simples mais subtilement dessinées, transmettent souvent un concept à la fois simple et genial. Son goût pour le narratif lui donne un style expressionniste, divertissant sans pour autant retirer le sens grace à de multiples explications ».

Rick Heinrichs

Plein d’espoir et impuissant

Personnage dérouté par le monde qui l’entoure, mais faisant de son mieux pour s’en sortir, le Chapelier est une figure marquante de l’univers de Tim Burton qui se fraye un chemin dans le paysage onirique d’imposants champignons. Grâce à ses talents d’artiste, il parvient à se tirer d’affaires, mais en revient toujours à la même question : « Suis-je devenu fou ? ».

Autour du monde

Voyager est le quotidien de Tim Burton et, ses voyages à travers le monde sont pour lui une grande source d’inspiration. Lorsqu’il visite d’autres pays, Burton retranscrit tout ce qu’il voit sous forme de dessins. Une ville peut d’ailleurs lui rappeler un célèbre film. Par exemple, il ne peut s’empêcher de dessiner Godzilla lorsqu’il est à Tokyo. Les voyages, en particulier d’affaires, ne sont jamais reposants, mais malgré le décalage horaire, le réalisateur se retrouve chaque jour avec une pile de serviettes ou de papiers garnis de ses dessins. Avec spontanéité, tout peut devenir son modèle : un chanteur au piano, un couple paré de bijoux à la table voisine ou un cocktail à la décoration extravagante, tout ce qui l’inspire à ce moment-là pour dessiner et créer.

Qu’est-ce que c’est ?

L’imagination de Tim Burton est sans limites et ses créatures peuvent prendre toutes sortes de formes, sans respecter les normes sociales ou biologiques. On peut ainsi voir des personnages avec des membres disproportionnés, des yeux multiples, des bouches gigantesques ou des têtes en forme de citrouilles. En défiant les contentions de représentation et en créant des êtres hybrides, il invite le spectateur à se questionner sur la nature de ces créatures et sur leur place dans le monde qu’il a imaginé.

« Ses dessins, ses films sont uniques. Son sens tordu de l’humour macabre et son style farfelu sont immédiatement reconnaissables. Je pense que c’est ce qui transforme un simple dessin en une œuvre d’art ».

Rick Baker

Tim Burton, Le Labyrinthe

La Villette, Espace Chapiteaux
Paris 75019

Jusqu’au 20/08/2023

Entrée : 26€

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