Un toit pointu, en pente a l’aspect délabré, des murs jaunis dont l’inclinaison semble menacer de s’écrouler à tout moment, un jardin abandonné avec des ronces et des arbustes sinueux… Si vous vous promenez dans Beverly Hills et tombez sur cette maison pour le moins particulière et qui dénote totalement dans le paysage, il s’agit sûrement de la Spadena House, une maison « de sorcière » très célèbre du coin dont je vais vous raconter l’histoire. Si vous avez rarement rencontré des demeures de ce genre, c’est parce que son style architectural Storybook House, que l’on reconnait à son exagération fantaisiste, a été popularisé dans les années 1920 en Angleterre et aux États-Unis seulement, et a vite disparu par la suite. Je l’ai moi-même découverte, complètement par hasard alors que nous étions perdu dans un Los Angeles à la circulation réduite pour cause de cérémonie des Oscars, il y a 4 ans. Depuis, je suis allée la voir de plus près et vous recommande d’y jeter un œil si vous passez dans les environs. Elle n’est pas ouverte au public, mais déjà, l’admirer depuis l’extérieur et repérer tous les petits détails qui en font son unicité, constitue un excellent souvenir pour nombre de visiteurs. Voici son histoire…
Cette maison a été designée par le Directeur Artistique Hollywoodien Harry Oliver et construite en 1921, dans les Studios Willat à Culver City, dans le but de servir de décor à des films muets. Afin de réduire les coûts, les studios l’utilisaient aussi comme bureaux et loges. À cette époque, elle était toute petite et ne comprenait qu’une entrée, une chambre, une salle de bain et une minuscule cuisine. L’année de sa construction, la maison a fait sa première apparition à l’écran dans le film The Face of the World. Elle est ensuite apparue dans Hansel & Gretel en 1923 puis beaucoup plus tard dans The Undead (un film d’horreur) en 1957, The Loved One en 1965, The Witches of Eastwick en 1987, Hocus Pocus en 1993 ou encore dans Clueless en 1995. En 1924, avec l’arrivée du cinéma sonore, les Studios Willat ferment définitivement leurs portes, mais la maison reste et attire toujours autant l’œil des passants. À tel point, selon la légende, qu’elle provoque de nombreux accidents de la route, tant les véhicules ralentissaient en la voyant. La ville de Culver City aurait demandé aux Studios de s’en débarrasser afin de maintenir la sécurité routière. Il était de toute façon décidé que la maison, au même titre que les Studios, seraient démolis. Ward Lascelle, un des Producteurs des Studios Willat a alors décidé de la racheter, de la faire déplacer du 6509 Washington Blvd. à Culver City jusqu’à Beverly Hills, sur un terrain qu’il possédait. Il l’a rendue habitable et s’y est installé avec sa femme Lillian. Plus tard ils loueront une partie de la maison à Louis Spadena dont l’histoire dit qu’il était musicien et aussi jardinier/homme à tout faire dans la propriété des Lascelle.
En 1938 lorsque le couple Lascelle divorce. Lillian garde la maison et épouse Louis Spadena à la fin des années 1940, dont la demeure gardera le nom. Pour la petite anecdote, les guides touristiques de l’époque présentaient le chalet comme une maison de sorcière, des cartes postales sur lesquelles elle portait ce nom se vendaient même aux visiteurs. Rien ne mettait plus Lillian triste et en colère. Lillian et Louis y vécurent jusqu’à la vendre à la famille Green en 1965.
Quelques rénovations intérieures ont été effectuées par les Green, et c’est à cette époque qu’à été ajoutée la petite lucarne et que les douves initialement conçues par les Lascelle ont commencé à fuir. Elles été comblées avec de la terre et en même temps, le jardin a été mis en place. Chaque nuit d’Halloween, Martin et Doris Green se déguisaient en fantôme et gobelin pour distribuer des bonbons aux enfants du quartier. On pouvait même entendre la musique de la Maison Hantée de Disneyland sortir des fenêtres de la maison. Ils vécurent dans la maison jusqu’à sa remise sur le marché en 1997. Elle mit un certain temps à être vendue en raison de sa situation géographique qui la rendait chère et son mauvais état général (la famille ne l’avait pas entretenue). De plus Mrs. Green ne permettait à un acheteur potentiel de visiter la maison si et seulement si celui-ci apportait un acompte sous forme de chèque de banque correspondant à son prix de vente. À l’époque, elle uniquement suscité l’intérêt d’acheteurs voulant l’acquérir afin de la faire démolir et Doris Green tenait à ce qu’elle reste intacte.
C’est alors qu’en 1998, l’agent immobilier Michael J. Libow, originaire de Beverly Hills et qui était lui-même en charge de vendre la maison, décida d’acheter la Spadena House pour 1,3 millions de $. Il a entrepris 10 ans de travaux minutieux avant d’y vivre, tant il lui tenait à cœur de maintenir sa valeur historique. L’intérieur n’avait pas été rénové depuis les années 1960, le sol était recouvert d’une épaisse moquette rouge et certains plafonds étaient tellement bas qu’il était facile de s’y cogner la tête. Michael Libow avait pour ambition de moderniser la maison sans lui faire perdre son cachet particulier, il fallait faire du vieux avec du neuf et maintenir cet aspect de maison construite il y a 3 siècles. Très influencé par Antoni Gaudí, un architecte Catalan qu’il avait découvert lors d’un voyage en Espagne, il s’entoure de Nelson Coates (réalisateur) et Jane Marshall (paysagiste) afin de concrétiser ce qu’il ambitionnait pour la maison. Michael Libow voulait une demeure qui semble émaner du sol de manière organique. C’est à eux que l’on doit la propriété telle qu’elle est aujourd’hui. Désormais, la maison est beaucoup plus grande qu’à l’origine, c’est une 3 chambres de 330 m2, sur 2 étages. Les douves qui avaient été comblées par les Green ont été réhabilitées, recouvertes de céramiques et sont remplies de poissons koi. Une piscine infusée d’ozone et un spa géant ont été ajoutés. Le jardin avec les arbres tordus, le petit pont de bois, la grosse toile d’araignée en fer forgé et la clôture branlante datent de cette dernière rénovation. Alors certes la maison paraît en mauvais état, mais si vous y regardez de plus près, vous verrez qu’elle est bel et bien neuve et pour tout vous dire, 95% à 98% de matériaux neufs imitants le vieux ont été utilisés. Evidemment Michael Libow a dépensé bien plus en travaux qu’il ne l’aurait fait en construisant une maison neuve, mais il faut avouer que le résultat en vaut la peine.
Aujourd’hui encore, le soir d’Halloween, la demeure reste un véritable lieu de pèlerinage. Michael Libow reçoit entre 3000 et 5000 enfants qu’il est toujours très heureux d’accueillir année après année (inutile de préciser que c’est hors période de pandémie !). Il embauche même une sécurité privée pour la nuit. Les rues environnantes sont fermées à la circulation de manière à garder le quartier en sécurité, la police et des volontaires maintiennent également le contrôle des environs.
Depuis 2013 et grâce à Michael Libow, la Spadena House est répertoriée comme monument historique, protégé de la ville de Beverly Hills. Cela implique qu’elle ne peut pas être démolie.
P.S. Je suis en train de vous rédiger un post City Guide de Beverly Hills, il devrait arriver sur le blog d’ici la fin du mois 😉
Spadena House
516 Walden Dr
Beverly Hills, CA 90210
J’adore les univers de manoir hanté et je ne peux qu’aimer cette maison, elle est super jolie d’ailleurs ! 🙂
Et c’est surtout déroutant de la trouver en plein milieu de Beverly Hills !